Si la France sembla tout d’abord épargnée par la crise économique qui frappa de plein fouet les États-Unis dès 1929, il n’en alla pas de même au cours des années suivantes : subissant les effets de la dévaluation de la livre sterling survenue en septembre 1931, le pays doit faire face à une baisse des prix et à un ralentissement de la production agricole et industrielle, tandis que réapparaît le déficit budgétaire. Mais la crise revêt un visage différent en France. D’une part, elle s’est manifestée tardivement, car les structures archaïques de l’économie française, fondées sur la petite entreprise, et la faiblesse des investissements étrangers ont permis à la France de demeurer un temps à l’abri du marasme, à la différence des grands pays industriels comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni qui pratiquent un capitalisme à grande échelle. D’autre part, au lieu d’entraîner comme aux États-Unis ou en Allemagne une augmentation brutale du nombre de chômeurs et de la misère, la crise française se traduit par une paralysie progressive, mais tout aussi grave, de l’activité économique ; paralysie qui se prolonge jusqu’en 1939 alors que les autres pays connaissent une certaine reprise.
Afin de lutter contre cette crise, le gouvernement déploie un certain nombre de mesures qui s’organisent autour de quatre axes : élévation de barrières protectionnistes destinées à diminuer les importations, limitation de la production agricole et industrielle pour freiner la baisse des prix, protection du petit commerce, politique déflationniste pour réduire le déficit budgétaire.
Depuis la fin de la première guerre mondiale, le régime parlementaire de la IIIe République est l’objet de critiques croissantes, visant à la fois ses dysfonctionnements en matière institutionnelle et son incapacité à traiter les problèmes économiques nouveaux. Cette critique est portée à son comble à partir des années 1930, lorsque la grande crise frappe durement l’ensemble des classes sociales françaises. Au premier rang des mécontents figurent les classes moyennes, principal appui d’un régime parlementaire dont le parti radical constitue la pierre angulaire. En 1932, les radicaux au pouvoir paraissent plus que jamais enfoncés dans leur contradiction native : idéologiquement « de gauche », sensibilité renforcée par leur alliance vitale avec les socialistes, ils n’entendent pratiquer qu’une politique économique d’orthodoxie financière – monnaie forte, maîtrise des déficits – qui leur aliène ces mêmes socialistes en même temps qu’une part croissante de l’opinion. Les gouvernements sont renversés les uns après les autres dans un contexte d’instabilité politique inédit, et le pouvoir semble paralysé. Exaspérée par cette instabilité ministérielle chronique – cinq ministères de 1932 à 1934 ! –, une grande partie de la société française s’accorde à dénoncer l’incapacité de ses dirigeants, la crise du régime parlementaire et la nécessité de restaurer un pouvoir fort. L’expression de ce mécontentement est entretenue par l’opposition active de l’extrême droite au régime – la Ligue d’action française de Charles Maurras jouit d’une grande influence malgré sa condamnation par le Vatican en 1926 –, bientôt relayée par les ligues d’anciens combattants : Jeunesses patriotes, Camelots du roi et surtout Croix-de-Feu du colonel de La Rocque transformés depuis peu en véritable formation politique. A cette situation critique vient s’ajouter un scandale politico-financier qui achève de discréditer le régime.